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Jean-Pierre Raynaud

 

Jean-Pierre Raynaud
J'ai toujours demandé à l'art de m'offrir ce supplément d'audace que la vie dite normale n'arrive pas à m'offrir
                                                                            
                   Jean-Pierre Raynaud             

Jean-pierre Raynaud, ouvre les yeux pour la première fois sur notre monde le 20 avril 1939 à Courbevoie.

1958 Diplôme d’horticulteur en poche, il est officiellement jardinier. Mais la destinée en avait décidé autrement.

 1962 Allez donc savoir ce qui se passe dans la tête d’un jeune homme de vingt-neuf ans  qui ne sait pas encore que toute sa vie va être transformée par l’idée farfelue qui, un beau jour, le prend : dans un pot de fleur il va couler du ciment ; une fois sec , il peint le tout  en « rouge-Ferrari » (rouge Raynaud dira-t-on plus tard).


C’est là que tout commence, Jean-Pierre Raynaud s’approprie les choses pour les transformer en ce qu’il va appeler des psycho-objets. Ses pots sont inutilisables, on pourrait les qualifier de négatif de la « réalité ». ( Comme « réalité » est un mot que je n’aime guère  je l’ai mis entre guillemets).

Toute sa vie Raynaud va, si  je puis me permettre cette expression, tourner autour du pot. Il va fabriquer des pots de différentes couleurs,  de toutes les tailles, jusqu'à des pots géants. Il réalisera pour la fondation Cartier un immense pot doré à l’or fin, que vous pouvez voir exposé sur le parvis du centre Beaubourg. (prêté par la fondation depuis 1998) et qui fut exposé durant trois semaines à Pékin, au cœur de la cité impériale. Jean-pierre Raynaud fabriquera par la suite, pour la fondation une très grande volière qui servira d’habitation à son œuvre.


 Le fait de redimensionner les objets change complètement les valeurs ; cela dérange. Nous avons tous une vision du monde qui est une description, qui correspond à des archétypes. Sortis de cette description, nos codes ne sont plus les mêmes, nous sommes dérangés sans très bien savoir pourquoi. Nous n’avons plus de références.


Un autre facteur de déstabilisation, qui va être abondamment utilisé par Raynaud est l’accumulation. Ses pots seront disposés de manières différentes, tantôt alignés, tantôt mis en carré ou en rectangle.


Au rouge, qu’il n’abandonnera jamais, il ajoutera  bientôt plusieurs couleurs, le jaune le vert et le bleu.


Je suis toujours fasciné par les artistes qui ont une démarche récurrente, qui sans cesse vont reprendre le même sujet, aller toujours plus loin,  pour qui la quête de la perfection n’a pas de fin.


Bien entendu Raynaud ne se contente pas de peindre des pots. Nombres d’objets vont revenir dans son œuvre, tous plus symboliques les uns que les autres. Pots, panneaux de sens interdit, lits d’hôpital, croix rouges, drapeaux, cercueils, extincteurs, voitures d’infirme, portes d’ambulance militaire  et les incontournables carreaux de céramique blancs dont nous n’avons pas fini de parler.

  
La maison de la Celle Saint Cloud.

À compter de 1969, Jean-Pierre Raynaud va construire sa propre  maison. Elle ressemble à un blockhaus.  Pour y  entrer il faut franchir une grille. Elle est entièrement recouverte de carreaux de céramique blancs séparés par un joint noir. Ces carreaux, qu’il va de plus en plus utiliser, auront une dimension bien définie, de même que la largeur du joint sera toujours identique.


Bien entendu, dans cette maison, les meubles, réduits à l’essentiel, seront maçonnés et « tapissés » des fameux petits carreaux. Sur les murs, les tableaux seront des panneaux toujours recouverts de carreaux blancs ;  un simple numéro accroché à chacun d’entre eux permettra leur identification.

Les placards sont encastrés dans les murs, dans la chambre un lit d’hôpital, au mur une armoire à pharmacie avec une croix-rouge. Raynaud nettoie sa maison à l’eau de Javel. Il n’y mange pas, «  à cause des miettes ». C’est l’univers de Monsieur Propre, comment imaginer plus dépouillé ; la seule couleur est le blanc sur lequel s’inscrit la grille noire des joints. Ici règne la symétrie, on imagine cette maison construite en Légo. Les très rares fenêtres sont munies de grilles.


Au fil des ans, Raynaud va transformer son habitation en œuvre d’art, qui sera en sorte, son chef-d’œuvre. Il y travaillera vingt-quatre ans, jusqu’au moment où il la considérera comme presque parfaite. En 1974, il ouvre les portes de sa maison au public.

En mars 1993, il prend la décision de détruire volontairement  sa maison et de l’offrir « en pièce détachée » au musée d’Art contemporain de Bordeaux.

Raynaud avait remarqué, dans un hôpital, des seaux en inox destinés à recevoir les déchets humains dans les salles d’opérations. Voici ce qu’il en dira : «  Il m’est apparu que de tels fûts étaient faits pour recueillir, à leur tour, les viscères, les membres, les organes vitaux de ma maison ».

Quinze tonnes de gravats reposent dans un millier de bassines en inox. On peut les voir au musée d’art contemporain de Bordeaux. Voici ce que dit le généreux donateur : « J’ai pensé que rien ne pouvait être aussi fort, ni m’engager plus à fond que d’exposer, d’offrir en quelque sorte, ma propre maison »


Par la suite Raynaud va acheter une maison en région parisienne, genre folie. Elle est déjà en très mauvais état, il va remettre à neuf un minuscule pavillon de gardien qui se trouve à l’entrée pour y avoir le minimum vital. Comme il est jardinier, il entretiendra impeccablement le jardin, et de sa petite maison, il va regarder le temps faire son œuvre, continuer à détruire la maison qui  tombe en ruines. À l’heure qu’il est, il ne doit plus en rester grand chose.


Il construira pour son propre usage un abri semi enterré de 400 m2 à La Garenne-Colombes.


Vous l’aurez sans doute remarqué, son œuvre, comme celle de beaucoup d’artistes est une réflexion permanente sur la mort. Ce qui est intéressant dans son travail, c’est la cohérence : il s’agit bien d’une œuvre et non de quelques excentricités destinées à étonner les pseudo amateurs d’art. Si je dis cela c’est parce qu’il existe quelques « artistes » qui, c ‘est le cas de le dire, ne pensent qu’à épater la galerie et qui sont prêts à tout pour ça. Heureusement ils ne grugent que les gogos, « pseudo artistes » pour « pseudo amateur d’art », le monde n’est pas si mal fait.



Du 25 mars au 10 septembre 2006 Raynaud expose au Mamac de Nice sa collection personnelle. 120 œuvres dont  certaines monumentales.

Le 27 octobre Christie’s vendra l’ensemble de cette collection sans prix de réserve (le prix de réserve est un prix minimum fixé d’avance au-dessous duquel l’œuvre ne peut être vendue ).
Comme il détruisit sa maison, de la même manière il se sépare des œuvres auxquelles il tenait le plus, puisque certaines avaient été rachetées par lui-même à des collectionneurs.


On pourrait croire que Raynaud passe son temps à construire de la main droite pour détruire de la main gauche, mais ce serait une profonde erreur de penser cela ; lorsqu’une chose a été menée à son terme, il veut, comme on dit, repartir de zéro, sur des bases nouvelles pour une œuvre nouvelle.


À soixante-sept ans, Raynaud a déjà accumulé une œuvre considérable. Voici, à titre indicatif,  une liste de quelques-unes de ses réalisations.

Réalisation d’un jardin d’eau à Monaco.

Sculpture monumentale pour la fondation Cartier.

Carte du ciel dans les quatre patios du sommet de l’Arche de la Défense.

Construction d’une voûte nucléaire sur un plafond du Louvre (Pour ceux qui ne le sauraient pas : Georges Braque a peint le plafond de la salle Henri II du Louvre).

Jean-pierre Raynaud a participé à de très nombreuses expositions ; il a représenté la France à la Biennale de Venise, exposé 300 pots rouges à la Kunsthalle de Düsseldorf. En 1979, le centre Georges Pompidou présente une rétrospective de son œuvre. Il expose dans les plus grandes galeries : Galerie de France (Paris), Léo Castelli (New York), je ne vais pas toutes vous les citer…

Je voudrais faire une dernière remarque : si par bonheur vous avez la chance de pouvoir voir une œuvre de Raynaud de visu, ne vous en privez pas, elles gagnent énormément à être vues « sur pied ».

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