ENTREZ LIBRES
12 Juillet 2006
Joseph Ferdinand Cheval
Voyage au pays de l'art brut
“Dieu, dont les desseins sont impénétrables, se sert de ses humbles créatures pour les accomplir.”
Ferdinand Cheval
Par tous les temps, sur des chemins escarpés et caillouteux (nous sommes en 1879), Joseph Ferdinand Cheval va à pied effectuer sa tournée de facteur : 32 kilomètres. A titre de comparaison, le marathon fait 42 kilomètres…
Tout en marchant, notre facteur rêvasse; il voit des palais extraordinaires. Il dira plus tard : “Dans ces moments, j ‘étais comme en transe”. Il semble en effet agir comme un medium. Kilomètre après kilomètre, les idées s’enchaînent, se bousculent dans sa tête.
Si par hasard, dans son courrier, il y a une carte postale venue des colonies, l’image se superpose à son rêve. Son château va hériter de sculptures bouddhiques, d’étranges cariatides, de minarets. Comme on dirait aujourd’hui, Ferdinand se fait son cinéma. Mais tout cela reste du domaine du virtuel.
Un jour à marquer d’une pierre blanche – c’est le cas de le dire, son pied va heurter un curieux caillou. Machinalement, il le ramasse et le met dans sa poche.
Ce n’est que le lendemain, en l’examinant plus attentivement, qu’il va prendre la décision devenue célèbre : “Puisque la nature fait les sculptures, je ferai le reste”.
De ce jour, il va ramasser les pierres tout au long de sa tournée. Dans un premier temps, il se contente d’en remplir ses poches.Imaginez 32 kilomètres avec des cailloux plein les poches… Plus tard, il ira de place en place, kilomètre après kilomètre, faire des petits tas de pierres d’environ 40 kilos, qu’il reviendra chercher la nuit avec sa brouette (et encore du chemin parcouru en plus !).
Ferdinand Cheval
Il semblerait qu’il ait aussi utilisé sa fameuse brouette durant sa tournée. Imaginez un instant le tableau … Nous sommes dans les années 1880, dans la France profonde, au cœur de la Drôme. Un “brave paysan”, genre "angelus de Millet", attend son courrier et voit débarquer notre homme portant le costume de l’administration, sacoche en bandoulière, poussant une brouette remplie de pierres..
Rien d’étonnant à ce que Ferdinand soit considéré comme l’idiot du village – lou ravi, comme on dit en Provence.
Travaillant jour et nuit, souvent à la faveur de la pleine lune ou s’éclairant avec une lampe à pétrole, il teminera sa construction en 1912 – 10 000 journées de travail et 93 000 heures.
Son palais mesure 26 mètres de long sur 12 mètres de large et 14 mètres de hauteur.
En 1969 André Malraux (encore lui) fit inscrire Le Palais des Merveilles à l'inventaire des monuments historiques.
Je ne vous parlerai que peu de la décoration baroque, les photos se suffisent à elles-même. Sachez seulement que les personnages les plus illustres y figurent, d’Adam et Eve à Vercingétorix en passant par Socrate. On va du palais oriental au chalet suisse ou au château médiéval.A l’intérieur se trouvent deux cavernes. Dans l’une d’elles sont déposés ses outils et la fameuse brouette, au dessus de laquelle figurent ces vers de notre facteur bien-aimé :
Je suis la fidèle compagne
Du travailleur intelligent
Qui chaque jour dans la campagne
Cherchait son petit contingent
La deuxième grotte était destinée à sa sépulture. Il n’obtint pas l’autorisation d’y être inhumé.
Sur le mur est écrit “J’ai voulu dormir ici”.
Le palais achevé, Ferdinand n’allait pas en rester là. Puisqu’on lui interdisait sa sépulture au cœur de son palais, il allait construire au cimetière d’Hauterives “le tombeau du silence et du repos sans fin”.Durant encore huit années, à 78 ans révolus, il va construire son tombeau. Il s’y couchera à l’âge de 88 ans.
Le tombeau du silence et du repos sans fin
“Sur cette terre, comme l’ombre nous passons. Sortis de la poussière, nous y retournerons.”
Ferdinand Cheval
Le tombeau a été également classé monument historique.
Plus opiniatre que moi se mette à l'œuvreIl est intéressant de constater que Ferdinand Cheval – dit le facteur Cheval – a vécu en même temps que Henri Rousseau – dit le douanier Rousseau – et Antonio Gaudi, dont nous aurons l’occasion de reparler.
“La vie sans but est une chimère”
Ferdinand Cheval
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