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Edvard Munch n’a pas peint que “Le cri”




 “Je me promenais sur un sentier avec deux amis – le soleil se couchait – tout d'un coup le ciel devint rouge sang – je m'arrêtais, fatigué, et m'appuyais sur une clôture – il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord bleu noir et la ville – mes amis continuèrent, et j'y restais, tremblant d'anxiété – je sentais un cri infini qui se passait à travers l'univers.”

                                                       Edvard Munch



Edvard Munch est sans doute le  peintre que l’on peut considérer comme à l’origine de l’expressionnisme. Munch est connu du grand public pour le très célèbre tableau “Le cri”. Ce que l’on sait moins c’est qu’il existe quatre versions du cri, sans compter les gravures. Munch a pratiquement toujours travaillé par série, refaisant ses tableaux à trois ou quatre exemplaires. Bien d’autres de ses tableaux méritent notre attention.

La peinture de Munch n’est pas très réjouissante, la maladie et la mort y sont présentes d’une manière récurrente. Difficile de lui en vouloir, sa mère meurt de la tuberculose alors qu’il a à peine cinq ans. Sa sœur aînée va mourir elle aussi, victime de phtisie, sa deuxième sœur est atteinte de dépression, son frère Andréas décède quelque temps après son mariage. Lui-même sera malade presque toute sa vie.

Ses œuvres de jeunesse ne sont pas très intéressantes, il s’agit d’un travail d’étude, très classique.


 On peut dire que la peinture de Munch commence avec “La jeune fille malade”. C’est une peinture réduite à l’essentiel, aucune fioriture, tout est dans l’expression de la jeune fille. Jeune fille, qui d’ailleurs a déjà une tête d’adulte, le visage de la mère est caché, pas difficile d’imaginer son expression. Toute la force de ce tableau vient de sa simplicité. Il est plus important par ce qu’il induit que par ce qu’il représente. C’est sans doute cette simplicité qui n’a pas plu au public de l’époque, ce tableau fut très mal accueilli par la critique. Le sujet aussi ne plaisait pas, souvenez-vous, dans “L’œuvre” de Zola lorsque le peintre (le “clone de Cézanne”) présente au Salon une peinture représentant un enfant mort, sujet tabou par excellence, A cette époque, il ne fallait pas montrer des horreurs pareilles, “l’Art n’est pas fait pour ça” disait-on…
À propos de ce tableau voici ce qu’écrira Munch : "Le travail que j'ai consacré à La jeune fille malade m'a défriché de nouveaux sentiers, a ouvert à mon art une percée définitive. La plupart de mes oeuvres postérieures doivent leur naissance à ce tableau."


À l’automne 1889 a lieu à Christiana (qui par la suite deviendra Oslo) une grande exposition Munch. À la suite de ça l’état lui attribue une bourse pour trois ans. Munch ira à Paris où il suit les cours de Léon Bonnat.
De sa famille ne restait plus que son père, il décède la même année. 

Munch cherche encore son style, il peindra quelques tableaux “pseudo impressionnistes”, mais déjà on voit poindre l’expressionnisme. Dans “La danse de la vie”, on ressent l’influence des Nabis et en particulier celle de Maurice Denis et Sérusier. Ici les personnages semblent passer comme des zombis, sans se voir ; une chape de tristesse semble être tombée sur la salle de bal. On pourrait croire qu’il s’agit  du hall d’un asile d’aliénés  où les personnages regardent dans le vide droit devant eux, sans rien voir. Avec Munch ce qui devrait être symbole de joie et d’amusement devient ennui et tristesse.


En 1892 Munch expose à Christiana le fruit de son travail lors de son séjour à Paris. Suite au succès de cette expo, il est décidé qu’elle sera transférée à Berlin.

À Berlin, c’est le scandale, le bide total, Munch est traité d’anarchiste, des plaintes sont déposées, bref au bout d’une semaine, on ferme la salle où ses œuvres sont exposées.


Il faut croire que ce scandale n’a pas déplu à Munch. Il décide de s’installer à Berlin. L’Allemagne deviendra sa seconde patrie. À ce moment-là, il s’intéresse à la psychologie, à la philosophie et aussi à l’occultisme avec parfois ses côtés un peu “sombres”…

Il fera le portrait de Nietzsche. En le regardant on ne peut s’empêcher de penser à Van Gogh, ce qui n’enlève rien à la qualité de l’œuvre.


En 1903 il va peindre “La veillée mortuaire”, en fait il s’agit de la chambre où sa sœur Sophie est en train de mourir.


 Comme dans “La jeune fille malade ”où l’on ne voyait pas le visage de la mère, ici c’est la mourante, que l’on ne voit pas, elle est assise de dos et pourtant tout paraît converger vers elle. C’est une peinture d’atmosphère, noter la “morbidité des couleurs”.


Il est indéniable que Munch a été très marqué par le symbolisme, sans doute est-ce  à cette influence que l’on doit  “La madone” qui par bien des points fait penser à Gustave Moreau.

En 1896, Munch quitte Berlin pour Paris. Il va étudier et pratiquer avec maestria plusieurs techniques de gravure, gravure sur bois, lithographie, eau-forte ; contrairement à ce que l’on pense généralement Munch est autant dessinateur que peintre. Il réalisera également deux affiches pour les pièces d’Ibsen.


Munch est un angoissé permanent, voici ce qu’il écrira “Mon art est une confession personnelle, c’est comme le SOS télégraphique d’un bateau qui sombre. Mais cette angoisse et cette maladie me sont nécessaires.”


En Allemagne en 1932, Munch reçoit la médaille d’argent Goethe pour l’art et la science. Il a été soutenu par Goebbels, qui comme on le sait avait une très grande culture artistique. Munch est un peu le prototype du pur  aryen, grand blond aux yeux bleus, il a tout pour plaire aux nazis. La presse germanique parle du nouveau Rembrandt venu du grand nord.
        

Pourtant  Munch, qui a fait un séjour en asile psychiatrique,ne va pas tarder à être considéré comme peintre dégénéré, ses œuvres sont retirées des musées pour êtres revendues. Quatre-vingt-deux tableaux de Munch sont saisis dans les musées et les collections privées allemandes (voir mon article sur l’art dégénéré). Certains prétendent que Hitler aimait bien Munch mais ne l’avouait pas, du moins en public ? D’autres disent que c’est Hitler en personne qui aurait décidé de “classer” Munch parmi les peintres dégénérés ? Difficile de connaître la vérité.

Il faut rendre justice à Munch, qui n’a jamais adhéré au parti National Socialiste. On ne peut pas lui en vouloir d’avoir profité du succès de sa peinture en Allemagne. De là à en faire un collabo il y a un pas que je ne franchirai pas.


En 1897, il vient d’aménager dans une maison à Åsgàrdstrand. Il rencontre Tulla Larsen, une jeune Norvégienne fortunée qui le harcèle depuis un certain temps et avec qui il finira par vivre  jusqu’en 1902.

1899 - Atteint de tuberculose, Munch passe l’hiver au sanatorium de Kornhaug à Fåberg en Norvège.

1902 – Après avoir menacé à l’aide d’un pistolet sa compagne Tulla, il se blesse volontairement à la main gauche, il en gardera toute sa vie de profondes cicatrices. Rupture d’avec Tulla.

1905 – Cure de désintoxication en Allemagne.
D’une santé fragile, il est continuellement malade, sa maladie lui permet de rencontrer le docteur  Max Linde qui lui achètera plusieurs tableaux. Munch écrira Sans la peur et sans la maladie, ma vie serait comme un bateau sans rames”.


1908 – Atteint de grave dépression, il est hospitalisé pour un an à Copenhague.

1919 – Contracte la grippe espagnole.

1930 –Suite à la grippe espagnole, il souffre de graves problèmes oculaires, sa vue est sérieusement atteinte.

En 1940 Munch peindra son dernier tableau : “Autoportrait entre l’horloge et le lit”. Tableau symbolique où l’heure a disparu de l’horloge.

Après la guerre Munch se retire du monde, il vivra en ermite dans sa propriété en attendant celle qu’il a si souvent fréquentée, sa copine la mort.

Edvard Munch est décédé dans sa propriété à Ekely, près d'Oslo
en Norvège le 23 janvier 1944, âgé de 80 ans. Il lègue environ un millier de tableaux, 4500 dessins et aquarelles et six sculptures à la ville d'Oslo, qui construit en son honneur le Musée Munch à Toyen.


Le 22 août 2004 le Cri et la Madone du Musée Munch à Oslo furent volés.  Selon le journal suédois Svenska Dagbladet, les tableaux auraient été brûlés. Toutefois, le 31 août 2006, la police norvégienne a annoncé les avoir retrouvés. Peut-on imaginer qu’il s’agisse de très bonnes copies ?
   
Et comment la Norvège pourrait-elle se passer d’un tableau qui, là-bas, est plus connu que la Joconde ?



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